Ce soir sur Arte un film sur René Bousquet avec Daniel Prevost

Publié le par Emmanuelle Colombani

A ne pas manquer ce soir un film de Laurent Heynemann sur René Bousquet, haut fonctionnaire français à la tête de la police française, responsable de la rafle du Vel d'Hiv et de celle de Marseille, celui qui autorisa la déportation des enfants de moins de 2 ans, qui fut acquitté en 1949 pour des faits "d'atteinte aux intérêts de la défense nationale" sans que soit envisagée sa participation dans les déportations de juifs dont on ne parlait pas à l'époque. Il poursuivit sa carrière dans la haute finance (Indosuez), fut élu député, retrouva la jouissance de sa Légion d'Honneur, vécut tout le reste de sa vie dans l'amitié indéfectible de François Mitterrand et fut rattrapé par son passé dans les années 80 grâce à l'acharnement des Klarsfeld notamment. Il faut assassiné avant son procès pour crime contre l'humanité en 1993.

J'ai entendu Laurent Heynemann parler de son film, et des difficultés rencontrées auparavant depuis des années par la scénariste pour monter le projet : personne ne voulait s'y risquer en montrant tous les "vrais noms" des protagonistes.

Je l'ai entendu également faire une réflexion qui va d'autant plus m'encourager à regarder ce film : alors qu'il présente Bousquet comme quelqu'un de brillant intellectuellement et de séduisant, voire même comme quelqu'un doté d'un certain humour, ces traits, qui pourraient le rendre parfois "sympathiques", ne sont semble-t-il que pour souligner la traitrise et la fourberie du personnage. Et l'auteur avoue le parti pris de mise en scène qui fut le sien : notamment vis-à-vis de sa femme, gravement atteinte d'un cancer, il ne montre jamais Bousquet triste ou souffrant de cette situation, car ce serait, selon lui "indécent".

Là, je diverge radicalement d'avec Laurent Heynemann. Comme je l'ai plusieurs fois dit, notamment à propos des Bienveillantes, ou de La Chute, je n'approuve absolument pas le parti pris qui consiste à présenter les bourreaux comme des être inhumains, en bloc.

En effet, c'est me semble-t-il déresponsabiliser le spectateur, et par delà le citoyen, face à des actes commis non pas par des être "in-humains' ou "dés-humains" si je puis m'exprimer ainsi, mais par des êtres humains "tout court" ...

Présenter les bourreaux comme des êtres étrangers à nous, qui n'ont pas leur part d'humanité, c'est entraîner le citoyen pratiquement sur le terrain de la science-fiction, à tout le moins, le dédouaner intellectuellement de la responsabilité de l'espèce humaine en général dans ce qui est arrivé.

C'est trop facile de dire ou de laisser penser que ces gens-là n'étaient pas comme nous, nous qui sommes assis tranquillement dans nos fauteuils, qui pleuront, rions, commettons des bonnes actions comme de moins bonnes, tout comme en 1942 tous les Français qui ont commis de petits comme des grands actes de collaboration.

C'est trop facile de mettre une barrière intellectuelle entre eux et nous : nous, du bon côté de la force, et eux du côté obscur ... C'est un peu trop oublier, sans vouloir me lancer dans la métaphore "Star Wars", que l'on peut passer d'un côté à l'autre somme toute assez facilement.

Et c'est un peu trop oublier la phrase, justement citée pourtant par Laurent Heynemann de Jean-Claude Grumberg, dramaturge et scénariste français : "La victime de la barbarie nazie, au delà des juifs, c'est l'humanité tout entière."

Pour vous faire votre propre opinion, regardez ce soir "Bousquet ou le grand arrangement".

En voici la bande-annonce :

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