"Dieu surfe au Pays basque", de l'homme des chocolatines, Harold Cobert

Publié le par EC

Diptic-Cobert.jpgComment ne pas éprouver la plus grande sympathie pour un homme qui parle de "chocolatines" ... communauté instinctive du sud-ouest oblige !

J'étais restée sur ma faim émotionnelle avec ses deux derniers ouvrages, trop de figures de style et pas assez de résonnance ...

J'attendais de rencontrer l'Homme dans ses lignes. Harold Cobert, on aurait presque envie de le griffer un peu, de lui faire mal, pour voir ce qu'il ferait avec le sang qui coule ... 

C'était ce que je me disais découvrant les premiers mots du livre dont je ne connaissais pas même le sujet ... 

Les quarante premières pages m'ont souvent agacée, je retrouvais cette grandiloquence passagère de bon élève dont je n'aime pas et je crains qu'elle masque une absence de profondeur, de réflexion... 

Je m'exaspérais de cette façon de parler  de son "précédesseur", comme on parle d'un prédécesseur dans une fonction, et non pas du premier mari de sa femme ... tout en commençant à me dire que si c'était seulement une figure de style, c'était dommage, mais que si ça rencontrait un écho faisant sens dans l'histoire, ce serait plutôt une jolie trouvaille ...

S'amorçait alors, à ce stade de ma lecture, une entrée de plain pied dans l'ouvrage dont je sortis page 85 en constatant que j'avais passé le cap de la moitié du livre sans m'en rendre compte, sans m'interrompre, hapée par le récit. 

La magie Cobert commençait à opérer.

Je m'étais laissée emmener par un rythme qui s'imposait de lui-même, cette alternance passé/présent, cette façon de raconter la première vie de sa femme, puis sa rencontre avec le narrateur, moment décrit avec charme et ravissement.

J'étais surtout terriblement touchée par le contrepoint Victor Hugo ("Le revenant", tiré des Contemplations). Comme une cloche qui teintait gravement, et qui en sonnant donnait de l'ampleur à la campanule au-dessus qui s'agitait plus légèrement sous la plume de l'auteur. Il faut dire aussi que Victor Hugo est mon poète préféré, celui que j'ai toujours à mon chevet ... 

J’aime beaucoup p 97 cette façon de décrire l’automatisme qui l’a conduit chez l’épicier « je suis ensuite descendu attraper un flot de passants. Il m’a porté jusqu’à l’épicier. » C’est très juste et très joli.

Interrogation p 116 sur ce passage en italique. Ce débordement de rage contre l'injustice, et contre Dieu, le dieu des chrétiens comme sa mère et celui des juifs comme son père, contre Allah, même ... "Pour tous ceux qui tournent vers toi leurs espoirs inassouvis et bafoués, et auxquels tu restes sourd, je te retourne la rage de mon désespoir ! ... " Au départ, on se dit qu'en italique, c’est peut-être une citation d'un autre …  et puis on voit que non, parce que ça parle bien exactement de l’histoire … donc on en vient presque à penser que c’est quelque chose que l’auteur a écrit, lui-même, en tant que tel, au moment où ce qu’il raconte lui serait réellement arrivé, dans sa vie ... En tous cas c’est comme ça que je le traduis, et ça me le rend bien plus humain, cet auteur, de voir qu’il sait sortir, justement, de  son personnage de « chien de salon » qu’il occupe si bien d’ailleurs, avec tant d’indéniable talent. C’est un très beau chien de salon, Harold, du genre cocker anglais bleu, qui remue la tête avec grâce en projetant ses grandes oreilles ...

Page 129 j'ai ri ... comme libérée de cette atmosphère d'hôpital, oppressante, avec cette phrase très drôle et surtout très bien amenée à ce moment précis : "et n'être pas loin de penser que j'étais un gros pervers à passer autant de temps à choisir des serviettes hygiéniques".

Et il faut attendre la page 137 pour comprendre enfin ce titre ... dieu se fout de nous et de nos vies, de nos bonheurs et de nos malheurs et s'est barré surfer au Pays basque, le con ... 

On comprend que ce passage en italique c'était peut-être bien un de ses "coups de Grizou/grisou " libérateur qu'il évoque presque subrepticement au détour d'une réminiscence ... 

Suprême élégance des derniers mots, "Et dieu merci"... Echo à ce coup de grisou terrible. C'est émouvant et sans triche.

"Dieu surfe au Pays basque" est finalement un livre assez pudique, fait de petites touches personnelles, écrit à l'économie, pour ne pas blesser, pour ne pas heurter, tout en essayant d'aller au fond des choses par le biais du fait brut sans le vecteur du pathos. Même si la colère est là, blanche et froide, souvent. 

On se dit qu'il n’a pas forcément été facile à commencer, pour cette raison qu'il est personnel, ce qui pourrait expliquer un début un peu malhabile .

Et puis ensuite, oui, je dis pudique parce que c’est finalement seulement en faisant des renvois entre les dédicaces de fin et quelques petits mots par ci par là dans l’ouvrage que l'on peut entrevoir la part d'autobiographie.

Harold conserve toujours son aspect « chien de salon » que son éducation, sa vie ne lui feront peut-être jamais perdre, mais c’est un chien  de salon qui sait courir en forêt, qui sait tacher un peu ses longs poils, emmêler ses longs cheveux, et qui  s’il retrouve très bien son quant à soi, sait aussi s’en départir.

Et je crois qu'avec ce livre aussi c’est comme quand son pote lui avait dit « tu vas enfin devenir un homme », et bien je crois que oui c’est cela, et qu’il est enfin devenu un écrivain à part entière, Harold, avec cette naissance.

Cette naissance, quelle naissance ? Celle du livre. Et puis une autre. 

Ah oui, c'est vrai je ne vous ai pas parlé du sujet du livre ... Tout le monde en parle, moi je ne le fais pas. C'est "un petit peu" un parti pris ... pour vous laisser l'envie intacte de le découvrir, ce sujet qui m'a également si bien parlé parce que je l'ai vécu, comme deux femmes au moins sur trois le vivent un jour.

Ah oui, enfin, le sous titre de l'ouvrage, en bas de couverture, c'est ... "Le père interrompu".  

 

Dieu surfe au Pays basque

Harold Cobert. Editions Héloïse d'Ormesson

15 euros. 

Publié dans Lectures

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V
<br /> Petit coucou du soir et surtout heureuse de te revoir de temps en temps <br /> <br /> <br /> Tu ne parles plus politique, mais c'est pas grave !<br /> <br /> <br /> J'aime bien tes coups de coeur, tu m'a fait découvrir un pianiste et un groupe de chanteur, merci !<br /> <br /> <br /> Lui je ne le connaissais pas, mais j'aime le titre, et puis sa tête aussi et j'aime bien ce que tu en dits, je vais allez voir demain sur google, parce que là il se fait un peu tard<br /> !<br /> <br /> <br /> Bisous du soir !<br /> <br /> <br /> J'oubliais, moi aussi j'aime dire chocolatine, ça sonne bien je trouve et puis c'est mon enfance, Albi, le sud-ouest :) <br />
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