Hommage aux Martyrs de la Résistance

Publié le par Emmanuelle Colombani

Nicolas Sarkozy a annoncé que sa première décision de Président de la République, toute symbolique, sera de demander au Ministre de l'Education Nationale de faire lire la dernière lettre de Guy Moquet à chaque rentrée scolaire aux lycéens.

Vous pouvez lire en écoutant un long extrait du Chant des Partisans, interprété par Yves Montand :

Voici le texte du discours de Nicolas Sarkozy :

"Je n'ai jamais pu lire ou écouter la lettre de Guy Moquet sans en être profondément bouleversé et je voudrais dire aux Français que ma première décision de président de la République sera de demander au futur ministre de l'Education nationale que cette lettre soit lue en début d'année à tous les lycéens de France. Parce qu'un jeune homme de 17 ans qui donne sa vie à la France, c'est un exemple non pas du passé, mais pour l'avenir. Je veux que chacun comprenne que pour moi, cette lecture, c'est un grand symbole.

"Mesdames et Messieurs,

"Nous voici donc au Bois de Boulogne, en ce lieu tragique où 35 jeunes résistants furent fusillés par la Gestapo il y a 63 ans.

"Massacre inutile, absurde, à quelques jours seulement de la Libération de Paris, alors que tout est joué. Ce n'est pas un acte de guerre. C'est un meurtre perpétré de sang froid. C'est un acte de vengeance.

"Au moment même où ils sont exécutés, les 35 résistants capturés par traîtrise sont déjà des symboles. Ils le sont aux yeux mêmes de leurs bourreaux. Sur les visages des 35 martyrs, dont beaucoup ont à peine 20 ans, les bourreaux lisent leur défaite désormais inéluctable et, ce qui leur est plus insupportable encore, ils lisent la préfiguration d'un avenir où les bourreaux n'auront plus leur place. Ils ont trop tué. Ils ont trop de sang sur les mains. Ce ne sont plus des soldats, ce sont des assassins qui ne sont plus mus que par le seul instinct de mort et de destruction.

"Ici, en ce 16 août 1944, ces 35 jeunes Français qui vont mourir incarnent ce qu'il y a de plus noble dans l'homme face à la barbarie. Ici en ce 16 août 1944, ce sont les victimes qui sont libres et ce sont les bourreaux qui sont les esclaves.

"Les résistants sont jeunes. Ils vont mourir. Mais ce qu'ils incarnent est invincible: ils ont dit non, non à la fatalité, non à la soumission, non au déshonneur, non à ce qui rabaisse la personne humaine. Et ce non continuera d'être entendu bien après leur mort parce que ce non, c'est le cri éternel que la liberté humaine oppose à tout ce qui menace de l'asservir.

"Ce cri, cher Max Gallo, nous devons l'entendre encore. Ce cri, je veux que dans les écoles, on apprenne à nos enfants à l'écouter et à le comprendre. Si nous voulons en faire des hommes et non de grands enfants, nous avons le devoir de leur transmettre à notre tour cette idée de l'homme que les générations passées nous ont léguée et au nom de laquelle tant de sacrifices ont été consentis.

"Si j'ai tenu à faire ici ma première commémoration en tant que président de la République, dans ce lieu où de jeunes Français furent assassinés parce qu'ils ne pouvaient pas concevoir que la France reniât toute son histoire et toutes ses valeurs, si j'ai tenu au premier jour de mon quinquennat à rendre hommage à ces jeunes résistants pour lesquels la France comptait davantage que leur parti ou leur Eglise, si j'ai voulu que fût lue la lettre bouleversante que Guy Môquet écrivit à ses parents à la veille d'être fusillé -'Ma petite maman chérie, mon petit papa adoré'-, c'est parce que je crois qu'il est essentiel d'expliquer à nos enfants ce qu'est un jeune Français, qu'il est essentiel de leur montrer à travers le sacrifice de quelques-uns, de ces héros anonymes dont les livres d'histoire ne parlent pas, ce qu'est la grandeur d'un homme qui se donne à une cause plus grande que lui.

"Je veux par ce geste que nos enfants mesurent l'horreur de la guerre et à quelles extrémités barbares elle peut conduire les peuples les plus civilisés. Cela s'est passé en France, cela s'est passé en Europe, cela s'est passé au XXe siècle.

"Souvenez-vous, enfants de France, que des hommes admirables ont conquis par leur sacrifice la liberté dont vous jouissez aujourd'hui. Mais souvenez-vous aussi que la guerre est terrible et qu'elle est criminelle.

"Puissions nous faire que dans le monde que nous vous laisserons, le risque de voir triompher cette barbarie ait disparu. Que le souvenir du grand crime que nous commémorons aujourd'hui vous pousse à oeuvrer pour la paix entre les hommes. Qu'il vous fasse comprendre que pour mettre fin au cycle éternel du ressentiment et de la vengeance, il a fallu construire l'Europe. Qu'il vous fasse comprendre pourquoi la réconciliation franco-allemande fut une sorte de miracle et pourquoi jamais rien ne doit conduire à sacrifier l'amitié qui après tant d'épreuves lie désormais le peuple français au peuple allemand.

"C'est la raison pour laquelle je partirai dans quelques instants en Allemagne rencontrer la chancelière, Mme Merkel.

"Enfants de France, soyez fiers de vos aînés qui vous ont tant donné. Enfants de France, soyez fiers de la France au nom de laquelle ils sont morts. Enfants de France, aimez la France comme ils l'ont aimée, sans haïr les autres. Enfants de France, aimez la France parce que c'est votre pays et que vous n'en avez pas d'autre.

"Vive la République! Vive la France!"

Et maintenant la dernière lettre de Guy Moquet, fusillé à 17 ans par les allemands le 22 octobre 1941, qui a été lue par une lycéenne ce jour lors de la cérémonie d'installation de Nicolas Sarkozy :

"Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,
Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas !
J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui, je l'escompte, sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée.
Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans et demi, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine.
Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, je vous embrasse de tout mon cœur d'enfant. Courage !
Votre Guy qui vous aime"

NB: après la lecture de la lettre de Guy Moquet, hier, il a été diffusé un chant moins connu que le Chant des Partisans, Le Chant des Marais, ou Chant des Déportés, écrit en déportation en 1933 par de prisonniers de Borgermoor. Merci à Saa.

Loin vers l’infini s’étendent
Des grands près marécageux.
Pas un seul oiseau ne chante
Sur les arbres secs et creux.

REFRAIN
O, terre de détresse
Où nous devons sans cesse
Piocher.
Dans le camp morne et sauvage
Entouré de murs de fer
Il nous semble vivre en cage
Au milieu d'un grand désert

Bruit des pas et bruit des armes,
Sentinelles jour et nuit,
Et du sang, des cris, des larmes,
La mort pour celui qui fuit.

Mais un jour dans notre vie,
Le printemps refleurira
Libre enfin, ô ma patrie,
Je dirai tu es à moi.

REFRAIN
O, terre d’allégresse
Où nous pourrons sans cesse
Aimer.

Publié dans Actualité politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
Un peut plus sur Guy Moquet : Fils d'un cheminot député communiste, Guy Môquet était un jeune résistant militant des jeunesses communistes. Arrêté par la police française en 1940, il fût emprisonné au camp de Châteaubriant (Loire-Atlantique). A la suite du meurtre d'un officier allemand par des communistes, le ministre de l'Intérieur du gouvernement Pétain le sélectionna avec une cinquantaine d'autres prisonniers communistes qu'il livra en otages aux occupants "pour éviter de laisser fusiller 50 bons Français".
Répondre
E
Merci de ces précisions.