Gaston Kelman, le black qui voulait simplement être un homme

Publié le par Emmanuelle Colombani

« Je ne me réveille pas tous les matins au son du djembé. Je ne me réveille pas avec sur le visage le crachat qu'a pris mon père colonisé. Je ne me réveille pas le corps meurtri par les coups qu'ont reçus les ancêtres des Noirs américains ou des Noirs antillais. Je voudrais cesser d'être un Noir. Je voudrais être tout simplement un homme. »

Ces mots sont tirés d'un précédent ouvrage de Gaston Kelman, "Au-delà du noir et du blanc", publié en 2005.

Gaston Kelman a aussi publié un ouvrage qui fit sensation, "Je suis noir et je n'aime pas le manioc", en 2004.

En aparté, il explique que Nicolas Sarkozy est un héritier de la générosité de 68 qui s'ignore: en effet, selon lui, jamais le peuple français n'aurait élu à la présidence de la république un immigré hongrois. S'il veut tourner la page de 68, c'est parce qu'il faut tuer le père, comme 68 a aussi tué le père en son temps. Dans le même temps, la gauche, elle ne serait pas héritière de 68. Il rejoint en cela Pascal Bruckner, selon lequel Sarkozy a suscité la rage de la gauche car il lui aurait volé son trésor et sa langue. Il l'aurait dépouillée comme un bandit de grand chemin, et même, crime de lèse-majesté, l'aurait privée de son meilleur ennemi, Jean-Marie Le Pen. Gaston Kelman pense également que le discours de Sarkozy a coupé l'herbe sous les pieds de la gauche, car la plupart des  propositions qu'il a faites auraient dû être portées par la gauche : la discrimination positive, l'immigration, etc ... Il cite l'exemple suivant : quand un homme de gauche, sur un plateau, est incapable de dire ce qu'il fera du regroupement familial, on se tourne inévitablement vers celui qui en parle. Pourquoi serait-on choqué par le ministère de l'identité nationale ? Le moment choisi pour l'annoncer n'était pas forcément le meilleur, mais il faut radicalement changer notre façon de voir l'immigration et son adéquation avec l'identité nationale de la France. Un immigré doit savoir qu'il ne peut venir en France avec toutes ses coutumes qui seraient contraires à la loi et, au-delà, à ce qui fonde la France. Des intellectuels ont soutenu que la polygamie était un facteur d'intégration en France ... On ne peut nier que chaque pays a une identité. Il refuse de parler de concept de société mutiraciale, indiquant que le concept de race est mort, quoique son enterrement durera sans doute plusieurs siècle, il vaut mieux parler de société "muticolore".

Son propos, dans son nouvel ouvrage "Parlons enfants de la patrie", est d'éviter un "jeunocide", et de remettre les jeunes au coeur des préoccupations de nos gouvernants, et au-delà de la nation même.

Mais son discours est tout sauf convenu, et ferait crier au racisme voire à la réaction la plus ignoble ... s'il n'était tenu par un noir.

Il stigmatise une certaine "bien-pensance" qui fait répondre aux jeunes issus de l'immigration qui disent "j'aime la France": "N'oublie pas tes racines"; il stigmatise aussi la génération qu'il appelle "meuf-keuf-teuf", représentée qui sont tout simplement, à ses yeux, des barbares qui n'ont d'autre mode d'expression que de brûler des voitures pour demander "S'il vous plait, prenez en compte nos demandes, laissez-nous devenir semblables à vous, les français". Si les parents de ces jeunes, de par leurs origines, confondent les espaces et les laissent errer dans la rue à minuit, les demandes de ces jeunes, au fond sont des appels au secours pour qu'on les sorte de la rue et qu'on les renvoie dans leurs maisons.

Gaston Kelman est exaspéré par le discours, traditionnellement de gauche, qui sans cesse rabâche à ces jeunes de ne pas oublier d'où ils viennent. La candeur, la naïveté de la gauche est affligeante. Mais en quoi les origines ou les racines des migrants concernent-elles la société française ?

Sur les propos de Georges Frèche disant que 9 joueurs noirs en équipe de France c'est trop, on comprendrait qu'il y en aurait 3 ou 4 ...  il faut rappeler la fin de la phrase : "c'est parce que les blancs sont nuls": c'est une sorte de racisme anti blanc. Que se passe-t-il si on dit qu'il n'y a pas assez de noirs à l'Assemblée nationale ? ... est-ce parce qu'ils sont nuls ???? On a fait entrer Lilian Thuram au Haut Conseil à l'Intégration parce qu'il était assez connu et valorisant. Mais alons au-delà: le symbole du noir, en France, c'est le footballeur ... n'est-ce pas rejoindre ce que Georges Frèche dit ? Comment penser raisonnablement que Lilian Thuram, qui joue en Espagne, qui n'a guère de disponibilité intellectuelle ni de temps, serait la personnalité la mieux placée pour représenter la minorité noire en France et faire valoir ses droits ? C'est idiot, sans faire offense à ce joueur personnellement. Il a un rôle symbolique, mais c'est mauvais, ce n'est pas de cela dont on a besoin.

Par ailleurs, il n'y a aucun noir à la Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité), il est anormal que cette minorité ne soit pas représentée ... on n'aurait pas imaginé qu'il n'y ait pas de femmes dans cette institution , alors pourquoi n'y a t-il pas de noir ?

A la télé, on met en exergue des rappeurs noirs, qui parlent d'égal à égal avec des politiques ou des historiens ... alors pourquoi pas plus souvent Johnny Halliday dans des émissions politiques, si ce sont les musiciens que l'on souhaite mettre en avant ??? Les noirs servent trop souvent d'alibis démagogiques. Pour faire du symbole, c'est tout.

L'Etat qui appelle à l'égalité des chances ne montre pas l'exemple lui-même.

Il faut avancer à marche forcée pour intégrer véritablement les noirs ou autres minorités. Il faut expliquer, faire de la pédagogie. Comme on l'a fait pour la parité.

Un noir ne doit pas avoir l'impression de trahir sa "race" et de n'être pas chez lui en disant qu'il est français. Il faudrait déjà lui apprendre qu'il est chez lui, en sortant notamment de l'enseignement tout un discours qui tend à le rattacher à ses origines. Un jeune qui vit en France, la musique de chez lui, c'est le violon, pas le djembé, il faut sortir des stéréotypes. Si un noir devient premier violon, alors, ensuite, il pourra reprendre le djembé et le faire découvrir à l'opéra ou dans son orchestre, mais on ne doit pas inverser le sens. Actuellement ce sont presque davantage les petits blancs qui se mettent au djembé parce que pour eux c'est exotique. Beaucoup de petits noirs considèrent le djembé presque comme une assignation à résidence dans leur négritude étrangère à la France, et ça ne les intéresse pas.

Gaston Kelman préconise également le port de l'uniforme à l'école, le retour du service militaire, les internats sévèrement encadrés, le couvre-feu pour les mineurs, et il applaudit des deux mains à la phrase de Nicolas Sarkozy "La France, aime-là ou quitte-là", ce qu'il justifie d'une seule phrase, assez imparable : "Mais connaissez-vous un pays qui dise autre chose, à part la France ?" C'est ce que le Camerounais dit au Cameroun, le Congolais au Congo, l'Américain aux Etats-Unis. "Si vous n'aimez pas notre pays, de grâce, n'y foutez pas le bordel !"

Les jeunes qui sont dans la rue, le soir, alors qu'on crie au scandale si on parle de couvre-feu pour les mineurs ... mais le scandale, c'est de les y laisser, dans la rue ! Parce qu'on nom de la soi-disant liberté d'un gamin de 12 ans, on est en train de l'assassiner ! Un gamin de 12 ans dans la rue, on le prend par le peau du cou, on le ramène à son père, et si le père est récalcitrant, on lui coupe les allocations familiales, ou on emploie toute forme de coercition, c'est tout ! Si à chaque fois qu'un enfant a un problème, on cherche à expliquer que c'est à cause du chômage, ou autre, on ne lui rend pas service.

Le problème est le regard que le blanc porte sur le noir. Abd Al Malik dit "J'aime la France". Dia, dans son livre, dit "J'aime la France". Mais le premier blanc venu leur dit : "Mes pauvres, vous êtes arrivés dans un pays tellement décadent, moi je n'aime pas l'hymne français, etc ..." Le blanc peut se payer le luxe de de pas aimer son pays et de le dire, alors que ça devrait être totalement absurde, après s'être payé 6000 km de barquette, au péril de sa vie, de se dire, quand on est noir : "Je n'aime pas ce pays" ! Il n'est même pas imaginable qu'un migrant dise qu'il n'aime pas la France et y demeure.

L'exploitation politicienne du discours est aberrante. Si l'on tient le discours "Aimez la France" dès maintenant et jusqu'en 2012 de façon ininterrompue, ça n'a pas le même impact que si on le tient cinq semaines en avril 2012 seulement. On doit apprendre l'amour de la France à ceux qui y vivent et à ceux qui viennent le visiter. C'est ensuite que le migrant apportera ses expériences et ses savoir-faire.

Ce livre a été écrit avant la campagne électorale et le développement du concept d'identité nationale. L'auteur y a mis à l'affiche le drapeau français. Il parle la langue nationale. Il exècre l'idée que la nation serait de droite, et la République, de gauche. IL s'estime le devoir, par amour pour la France et par reconnaissance, de récupérer à son compte ce discours "nationaliste" qui avait été laissé au Front National.

Il souhaite dire : la France n'est pas le pays des blancs. La France est le pays de quiconque est prêt à se reconnaître en tant que Français.

Publié dans Actualité politique

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