Ce soir à Pleyel, il y a Aldo Ciccolini ...

Publié le par Manue

Aldo Ciccolini, il devait avoir une vingtaine d'années de plus que sur cette photo quand je l'ai vu, à l'auditorium de La Rochelle, dans les années 72-73 ...

Aldo Ciccolini est l'un des hommes de ma vie, et personne, à part Gwénaëlle, ne le sait sans doute. Ah, si, un chef d'orchestre grenoblois, sur le blog de qui j'avais déjà raconté cette histoire, mais le blog (Le monde de Bra), n'existe plus, alors ...

J'avais 7 ou 8 ans, et c'était le premier concert d'interprète soliste auquel j'assistais.

Je ne jouais pas encore de musique. On n'en parlait même pas. Je ne me souviens même pas si, à cette époque, déjà, je fréquentais la petite fille de mon âge, Béatrice, qui, elle, avait commencé très tôt, et m'a permis d'affiner l'envie née ce jour-là ...

Pourtant, ce jour-là, à La Rochelle, un soir de semaine alors qu'il y avait école le lendemain, je m'en souviens très bien, j'ai décidé que je serais pianiste. Que je jouerais du piano. A la vue et à l'écoute de cet homme, Aldo Ciccolini.

Et je me souviens aussi que, dans les jours qui ont suivi, j'ai demandé à ma maîtresse la permission de lui remettre un "texte libre". Il s'appelait "Le pianiste". C'est tout ce dont je me rappelle. Le titre. Mais je donnerais une grosse poignée de mes souvenirs d'enfance pour pouvoir remettre la main dessus ... J'y retranscrivais parfaitement, avec mes mots, l'impression que cet homme avait produite sur moi, l'univers dans lequel il m'avait transportée, les sensations d'euphorie et de puissance qui étaient nées du spectacle de cet homme-là produisant ces sons-là, pour moi, juste pour moi, dans cette salle de concert.
Un fil s'était tendu entre nous, la communication passait par là, elle était totale, je comprenais chacun de ses gestes, chacune de ses notes, tout m'était paroles d'une langue que je parlais d'instinct. 
Je crois encore ressentir dans ma poitrine les soulèvements d'enthousiasme et d'émotion qu'il avait fait naître, et qui ne m'ont jamais quittée.

C'est quelques mois plus tard que j'ai commencé l'étude de la musique, mes parents constatant que l'envie ne disparaissait pas.
Chez moi, il n'y avait pas d'argent. Mais ma mère adorait la musique, on écoutait des 33 tours de classique toute la journée, et mon père avait joué du violon, enfant, puis de la batterie, pour payer ses études. Ils étaient donc capables de comprendre.
Accéder à mon désir d'instrument fut plus difficile. Et mit davantage de temps. Le temps de se décider à prendre un crédit pour acheter ce piano, que nous étions allés choisir à Niort. Mais j'étais motivée et j'attendis. Un an, un an et demi, peut-être. Durant lesquels j'ai appris le solfège, et commencé l'étude du piano, mais sans piano chez moi. J'avais deux leçons par semaine chez mon professeur, Madame Lenouailles, que je regrette tant (10 ans cette année qu'elle nous a quittés ...). C'est chez elle que je jouais. Chez moi, je m'étais fabriqué un clavier de carton, avec toutes les touches, les blanches et les noires, et c'est sur cette longue bande que je posais sur la table de la salle à manger que j'ai fait mes premières gammes, la musique dans la tête. Ce n'est que des années plus tard que j'ai appris que Miguel Angel Estrella, durant ses années de prison, avait fait pareil, pour ne pas perdre le contact avec la musique ...

Aldo Ciccolini et moi, c'est une belle histoire d'amour. De celles qui durent toujours. 

En mars il revient, comme chaque année. En mars, je serai à Pleyel pour le revoir, lui que je n'ai jamais revu.

Pourtant, ce soir, j'ai écouté Aldo Ciccolini sur un impromptu de Schubert ... et je n'ai pas aimé son interprétation ... ça m'a fichu un coup pour tout dire ... Mais non, je préfère définitivement David Fray dans cette pièce-là, et dans tout Schubert en particulier. Je trouve chez Fray une âme que je ne trouve pas ou qui ne me parle pas chez Ciccolini.
Mais demain je vais l'écouter dans d'autres auteurs, Satie, Ravel, Liszt, Albeniz, Massenet ...

Ce soir à Pleyel, il jouait, avec l'Orchestre de Paris, Takemitsu, Saint-Saens et Janàcek.

Danse n°5 de Granados

 
Et puis cet extrait d'un immense morceau, la Danse rituelle du feu, de Manuel de Falla ... parce que c'était cette année, au mois d'août. Aldo Ciccolini a 84 ans ...



 

Publié dans Musique

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E
<br /> Ahhhh tu vois ... je savais bien que sous tes airs d'obtu rétif à l'intelligence de la musique, un jour, que voilà arrivé amen, tu entreverrais la lumière ... Franchement, ça va pas, cette<br /> interprétation-là d'Aldo ? ... enfin pas pour mon goût, pas pour la façon dont je comprends Schubert (je te renvoie à l'article fait au moment de la sortie du CD de ...DF oui, encore lui, du coup<br /> je mets plus que les initiales, pour pas te faire hurler ... !) ... C'est plat, métronomique, rapide, voire presque pressé ... enfin ça colle pas quoi ... <br /> Satie, Debussy, Chabrier, Ravel, Saint-Saens, pas de problème, Aldo est le king de la musique française du début du XXè siècle, et un king inégalé. Mozart, je ne connais pas, parce que je n'aime<br /> pas Mozart, je sais que ma copine Gwen me tue à chaque fois que je dis ça, mais bon, c'est un fait, je n'aime pas ... Beethoven je connais, je joue, alors je vais écouter ses sonates, je ne les ai<br /> jamais écoutées.<br /> Mais tu me redonneras ton avis sur Schubert, parce que moi vraiment, hier soir, ça m'a fichu un coup au moral d'écouter ça et de me dire que je n'aimais pas ...  <br /> <br /> <br />
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A
<br /> Je viens d'écouter sur deezer Ciccolini jouant du Schubert ( track 4 donc ) et je doit avouer que tu as surement raison, la vache ,la tu m'as bluffer , chapeau bas Manue .Mais je vais reécouter ça<br /> , il me faut plusieur écoute pour mieux cerné la chose .<br /> Et bien le bonsoir du bobof de gauche ;)<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Ecoute, un jour, je te jouerai du Schubert, et tu comprendras peut-être ce que je dis, en désespoir de cause !<br /> <br /> <br />
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E
<br /> Et toi le gaucho, là (que je ne qualifierai ni de bobo ni de beauf, je me tâte encore ... ;-)), David Fray je le place si je veux quand je veux, ok ?! Cela dit, sans blague, écoute le 4è impromptu<br /> par Aldo et dis moi s'il te parle ... parce que, franchement, moi il ne me parle pas du tout, mais alors pas du tout ... il joue ça comme il jouerait du Bach ... sauf que Schubert si tu lui retires<br /> son âme y a plus rien derrière tu vois ... c'est pas comme Bach, dont le jeu gouldien te permet d'accéder à l'essence ... non, chez Schubert, sincèrement, tu retires l'interprétation, le sentiment,<br /> et ben c'est bêtement plat... Moi c'est vraiment l'impression que ça m'a fait. Allez, je suis sympa, je te file même le lien pour que tu puisses te rendre compte<br /> (http://www.deezer.com/fr/#music/result/all/aldo%20ciccolini%20schubert), c'est la track 4. <br /> Quant à AB ... ben c'est AB quoi, et sur ce live, il est exceptionnel ... mieux encore que sur la tournée des grands espaces, et pourtant, là, il était ...  <br /> <br /> <br />
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A
<br /> Hola la bobo de droite, tout pareil, je suis moi aussi un admirateur d'Aldo Ciccolini et comme Didier je l'adore quant il joue Satie que je vénère .J'ai même envie d'acheter son coffret de 56 cd<br /> qui retrace toutes sa carrière .<br /> David Fray tu vas nous le placer souvent comme ça, pff mieux que Ciccolini, total délire .<br /> Le dernier Bashung, je viens de l'acheter à mon tour, et c'est vrai qu'il est bien, trés bien même .<br /> Bonne soirée Manue<br /> <br /> <br />
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