Alain Finkielkraut évolue au gré des "frasques" présidentielles

Publié le par Emmanuelle Colombani

Alain Finkielkraut s'était retrouvé assez proche de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle sur le terrain des valeurs, de l'élévation du peuple au moyen de la démocratie, "cette aristocratie pour tous"; la proximité avec les gens ne pouvait se faire sur l'oubli, l'ignorance, le sacrifice de la culture, de la langue; il fallait pour lui rendre au Parlement son prestige et ses pouvoirs.

Qu'en est-il 8 mois plus tard ? A l'occasion de la sortie sur "la politique de civilisation" lors des voeux présidentiels, lui aussi dresse une sorte de bilan de sa vision de l'exercice du pouvoir sarkozien. Lui aussi a "un peu" évolué ...

Il définit tout d'abord ce que représente à ses yeux la notion "moderne" de civilisation : née au moment des Lumières, elle est le signe d'une confiance dans le temps, d'un adoucissements des moeurs, d'une acceptation du luxe, de l'éducation des esprits, d'une culture des arts et de la science, du développement de l'industrie.

Selon lui, nous sommes au contraire aujourd'hui dans un processus de "dé-civilisation". Il en voit des signes dans l'actualité : ainsi que souligné lors des émeutes de Villiers le Bel, les populations de ces quartiers sont sans cesse agressées par le bruit, qui est, pour lui, une manifestation première de mépris et de refoulement de la civilisation; le fait que Bartabas, par ailleurs un grand artiste, se soit permis de tout casser dans le bureau de son administrateur, craignant pour ses crédits, montre qu'il n'y a pas de limites; l'émission de rentrée d'Ardisson sur Canal "Salut les Terriens", a décerné un alien d'or récompensant le mort de l'année 2007 dont les invités "se foutaient" le plus : entre Noiret, Serrault, Pavarotti, Lustiger ... Les invités ont tous répondu Lustiger et en ont beaucoup ri ... C'est selon Finkielkraut "la catastrophe du rire" : au rire de l'humour succède "l'hilarité comme irruption convulsive des passions basses, affirmation du droit à l'abject, invitation constante à la bassesse" ... On ne voit, Finki n'a rien perdu de sa verve.

Sarkozy voudrait créer les conditions d'une nouvelle renaissance ? ... il voit une contradiction entre ses discours, ses réformes ... et un certain nombre de ses comportements. Qui nous ramènent d'ailleurs à un des modèles de notre société : celui de "l'enfant gâté": on veut tout et tout de suite, on veut agir en tout selon son bon plaisir.

Sarkozy est réellement le Président de la société post-culturelle.

Si on pense élever les gens, élever les enfants, qui ne sont ni les uns ni les autres autonomes par nature (sic), si on pense qu'il y autre chose dans la vie que les BD, et ce qu'on voit sur nos écrans ... alors il y a autre chose à faire que d'aller s'exhiber à Eurodisney.

Toutefois il faut reconnaître à Sarkozy le mérite de poser un certain nombre de questions : il faut aussi que notre société arrête de se décharger de ses propres problèmes, de ses propres turpitudes, sur les hommes politiques ... Les rieurs, les peoples qui s'enchantent de leur supériorité morale et sont naturellement opposés à un pouvoir par nature cruel et oppressif, défendent bien sûr les sans papiers, les SDF ... leur morale tend à devenir un alibi de l'abject, de même que de la politique.

Mais il faudrait quand même qu'un jour Sarkozy résolve dans le bon sens la contradiction actuelle entre son comportements et ses discours.

Interrogé sur l'évaluation des ministres, et en particulier sur le critère du chiffre concernant le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement, Alain Finkielkraut dit sa vive désapprobation : alors même qu'on parle de "politique de civilisation", on demande à un cabinet privé d'évaluer ce ministère, en terme de résultats, de façon quantitative; entre cette évaluation-là et une politique de civilisation, il y a un fossé ! Demander du chiffre, c'est manquer aux valeurs essentielles, on ne devrait faire que du cas par cas.

Pour en terminer, il donne son opinion sur la gauche : pour lui, elle ne fait que prendre acte du désastre économique pour asseoir dessus une esquisse de stratégie politique, elle l'épouse, elle le dorlote (sic). Or ce désastre ne peut fonder une politique, ni économique, ni de civilisation. La gauche est donc encore loin de pouvoir reprendre place dans le débat.

Entretien sur France Inter la semaine dernière - 7-10 de Nicolas Demorand

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