Et plus dure pourrait être la chute ...

Publié le par Emmanuelle Colombani

"Ensemble tout devient possible".

Ensemble tout aurait pu être possible ...

Le poids des promesses électorales qui, non tenues, se transforment vite en boulet pourrait bien entraîner sur la pente descendante notre hyper Président qui vit là, véritablement, les premières épreuves du pouvoir exercé, et non plus les enchantements prometteurs du pouvoir rêvé ...

Depuis 2 mois, il nous donne à voir, me semble-t-il, quelques unes des facettes les moins agréables, les plus inquiétantes et, finalement n'est-ce pas le plus important, les moins efficientes de sa personnalité ...

Passons encore sur l'épisode libyen, même s'il est difficile à digérer, mais passons au nom, dirons-nous pudiquement, de la "raison d'Etat", de la "grandeur de la France", de "l'avenir de nos entreprises et de notre déficit commercial extérieur", pourquoi pas ... Je vous en ai abondamment rebattu les oreilles pendant tout l'été, le sujet me tenant à coeur : tous à plat ventre devant kadhafi, dans l'escarcelle de kadhafi, yaourt libyen au goût bulgare : épilogue présidentiel, Kadhafi suite et fin, vous reprendrez bien un peu de Libye, et enfin même le fils kadhafi confirme.

Mais sur le plan intérieur, quelles sont les raisons d'être réellement satisfait ?

- une loi sur la récidive, hâtive, se surajoutant à une législation déjà abondante, estimée largement suffisante par nombre de praticiens de la justice, quels qu'ils soient, dont des pans entiers n'étaient même pas encore en application, faute de moyens financiers et humains, bien souvent ... une loi qui, en vigueur dans certains pays, n'a JAMAIS prouvé son efficacité (j'en ai déjà parlé ici) ...

- des faits divers suivent le vote de cette loi ... l'annonce est faite dans l'urgence de sa prochaine réforme, alors qu'elle n'est même pas encore en vigueur ... pour finir avec la dramatique affaire du pédophile Evrard, par l'assènement d'un éniemme ajout en matière de délinquance sexuelle, sans concertation aucune, avec l'annonce quasi-incantatoire de mesures non encore votées, avec des crédits hypothétiques et le recrutement de 600 praticiens psychiatres et assimilés dont on se demande bien où on va pouvoir aller les chercher car il ne s'en trouve déjà plus suffisamment pour vouloir travailler avec la justice ... Notre droit regorge de lois, d'ajouts en tous genres qui rendent son interprétation et son application cauchemardesques ...

- et enfin la censure du Conseil Constitutionnel concernant le désormais célèbre mais bien amputé "paquet fiscal", puisque la déductibilité des intérêts d'emprunt immobiliers ne pourra finalement profiter qu'aux contrats conclus après l'entrée en vigueur de la loi (le flou demeure pour ceux conclus depuis le 6 mai ... et les contractants antérieurs peuvent aller se rhabiller) ...

Je ne discuterai pas juridiquement sur le fait que cette mesure était rétroactive, ce qui contraire au principe constitutionnel de non rétroactivité de la loi ... Nous le savions bien. Non plus sur le fait qu'on pouvait considérer qu'elle entraînait une rupture d'égalité des citoyens. Mais combien y auront cru et auront voté, ou appelé à voter, Sarkozy, pour cette raison, puisqu'il en avait fait une mesure-phare ? Combien auront cru que son astuce, son entregent, son pouvoir, permettraient de passer outre ?

Il avait promis. "Je dis ce que je ferai, car je ferai ce que j'ai dit"... Quand on prononce de telles phrases, et qu'on les répète jusqu'à en faire son principal slogan, il ne faut pas le faire à la légère ...

Il reconnaît maintenant "s'être trompé" ... Je ne ferai pas l'offense à Nicolas Sarkozy de lui rappeler qu'il est juriste et que ses années de droit constitutionnel, pour lointaines qu'elles soient, auraient dû lui revenir plus vite en tête ... Non. Ce que je lui reprocherai maintenant c'est d'avoir peut-être trop promis, mal promis, sans se donner les moyens de tenir ses promesses, ou s'en prendre en compte le fait que tout ne relèverait pas, après le 6 mai, du "fait du prince", en d'autres termes, qu'il y aurait encore des règles à respecter ... et j'ose à peine imaginer la jouissance qu'a dû éprouver Jean-Louis Debré, épine constitutionnaliste dans le pied sarkozien plantée par un Chirac sur le départ, en retoquant ainsi ce magnifique édifice fiscal branlant ... Pas toujours facile d'obtenir ce qu'on veut de ses "amis" ...

En exerçant seul le pouvoir, car nous n'imaginons déjà plus, n'est-ce pas, que ce gouvernement soit pour plus de 20% à la manoeuvre dans ce qui se passe actuellement, en exerçant seul le pouvoir, donc, Nicolas Sarkozy pourrait assumer seul les responsabilités qui en découleront : c'est au moins une des promesses électorales qu'il tiendra, peut-être malgré lui.

Ce gouvernement, pour sympathique qu'il soit, n'a pour l'heure guère brillé ... mais en aurait-il eu l'occasion ... ?

Kouchner revient tout sourire ces jours d'Irak pour, assez finement d'ailleurs (cet homme manque peut-être parfois de consistance et de constance, mais certainement pas de diplomatie), essayer d'enrober les diverses péripéties de l'été : Irak et position française, rapprochement américain et toujours et encore Libye ...

Madame Dati se retrouve toujours en tête du hit parade de la popularité en cette fin d'été ... les raisons m'en échappent toujours un peu ...

Quant aux autres, y compris le premier d'entre eux, d'ailleurs, ils semblent avoir sombré, jetés par dessus bord par le capitaine qui tient seul le gouvernail ... leur a-t-il au moins remis un gilet de sauvetage ??? La rentrée nous le dira peut-être ...

Quant à notre malheureux porte-parole du gouvernement, Laurent Wauquiez, j'ai de sympathiques pensées à son égard et je ne voudrais ô combien pas être à sa place : le strapontin qui lui est laissé par l'omniprésent (c'est contagieux !) David Martinon ... en effet, puisque que c'est essentiellement le Président qui parle et qui agit, c'est très logiquement aussi son porte-parole que l'on entend et que l'on voit ... et non celui d'un gouvernement quelque peu aphone, qui, de surcroît, se trouve généralement obligé de tenir le surlendemain des propos revenant sur ceux de l'avant-veille, puisqu'ils ont été entre temps anéantis la veille par le facétieux président ...

J'espère toujours quant à moi que le calme reviendra, y compris dans le corps de notre énergique président, comme dans sa tête, et que les semaines qui viennent lui permettront de donner toute la mesure de ses talents véritables, qui sont sûrement supérieurs à toutes les gesticulations qu'il nous offre depuis 2 mois.

J'espère toujours mais je n'espèrerai pas 5 ans.

Je ne suis pas la seule dans ce cas.

Ainsi que je l'indiquais à l'aube du 7 mai,

"Pour autant, c'est à présent que commence la véritable bataille, celle du travail. C'est maintenant que, plus que jamais, j'attends Nicolas Sarkozy. J'attends qu'il mette en oeuvre au plus tôt les mesures qu'il a annoncées. Il nous a promis : "je dis ce que je ferai, et je ferai ce que j'ai dit", "je dis tout maintenant, pour faire tout demain". Le sort de la France est maintenant entre ses mains et entre celles de son futur gouvernement et de sa future majorité, que je souhaite étendue afin qu'il ait l'assise parlementaire et populaire qui lui sera indispensable.

La France ne mérite pas d'être déçue, elle ne le supportera pas une nouvelle fois. Mitterrand et Chirac sont derrière nous.

Je suis prête à aider Nicolas Sarkozy, ainsi que j'y invite chaque citoyen, qu'il ait ou non voté pour lui. L'enjeu, c'est notre pays, c'est nous, c'est à nous d'y participer.

Non, les forces de progrès ne sont pas seulement à gauche, et elles n'ont pas perdu ce soir. Non, la réaction n'est pas à droite, et ce n'est pas elle qui a gagné ce soir.

Ce soir, je souhaite que ce soit la France qui ait gagné, la France de Nicolas Sarkozy, la France de Ségolène Royal, celle de François Bayrou, celle des partenaires sociaux, qui doivent représenter dans l'avenir davantage de salariés,  et celle de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté qui voudront oeuvrer pour leur pays. L'Union nationale ne doit pas être un vain mot. "

C'était à l'aube du 7 mai.

Le soir de la Libye, j'ai douté.

Je ne souhaite pas voir arriver la nuit...

Mais peut-être lirai-je quand même "L'aube, le soir ou la nuit", de Yasmina Reza, qui sort aujourd'hui ...

PS : si ce que nous attendions de Nicolas Sarkozy, il ne nous le donne pas, si même il ne peut le mettre à notre portée, alors nous nous tournerons vers d'autres voix. Si nous ne le faisions pas, avec tout l'espoir qu'il avait fait naître dans notre génération, ce serait la fin de la politique et du partage des responsabilités et de l'avenir de la cité.

Publié dans Actualité politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Nan nan, ça tient au fait de ma double origine.<br /> PS : Mes vacances, étaient, en partie, en Bretagne..L'autre pays des hommes en chapeau rond..
Répondre
L
"Ensemble tout devient possible" , peut être que son gouvernement pourrait lui rappeller sa maxime..Qu'il semble avoir oublié
Répondre
E
Aparté : votre nom viendrait-il du fait que vous passez actuellement des vacances en Normandie, ce qui me permettrait de vous identifier je pense, sinon, vous demeurerez un mystérieux anonyme ...<br /> Il est vrai que cette maxime, il a oublié de l'appliquer à son gouvernement ... peut-être est-il en rodage ??? ... attendons la rentrée.