Quand mairie rime avec ânerie ... l'aventure des Ogres de Barback

Publié le par Emmanuelle Colombani

Quand mairie rime avec ânerie, cela donne un échange de courriers entre le groupe "Les Ogres de Barback" et la mairie d'Oyonnax dans l'Ain ....

Ce groupe, composé de 4 frères et soeurs multi-instrumentistes, a été influencé par la scène alternative et par les musiques de l'Est, comme celles mises en valeur par Emir Kusturica. En bref, il produit une musique réaliste, jazzy, mâtinée de sons et d'instruments tziganes, de la bonne musique, quoi ! Bien sûr ils sont porteurs d'un message anarco-libertaire sur le fond, ET ALORS ???

N'est-ce pas le rôle de la culture que de représenter tous les courants de pensée et de porter des valeurs humanistes, pour autant qu'elle ne fasse pas l'apologie de la haine raciale ou qu'elle n'incite pas au crime ... ce qui n'est bienheureusement pas du tout le cas des Ogres de Barback !

Pour écouter un peu, c'est ici, en cliquant sur "Radiogre", en bas de la page, c'est leur site; ou là, leur myspace.

Qu'ont-ils donc fait, ces Ogres,  pour susciter cet échange de courrier que l'on retrouve dans nos boîtes mail et dans la presse ces derniers jours ?

Ils se sont produits au Centre culturel Aragon de la bonne ville d'Oyonnax le 5 mai au soir et, lors du spectacle, en arrière-plan d'une vidéo accompagnant leur prestation, un message n'appellant pas précisément au vote pour Nicolas Sarkozy a été diffusé, sans être repris oralement par le groupe d'ailleurs.

Une personne présente dans la salle s'en est émue et a saisi le maire de la commune. Celui-ci s'est fendu d'une lettre stupide, dans laquelle il essayait très sottement de faire intervenir des arguments -je devrais plutôt dire en l'occurence des arguties- juridiques et politico-politiciennes au soutien de son courroux ... alors qu'ils n'avaient aucunement lieu d'être ...

D'une part, en effet, il arguait de la fin de la campagne officielle (vendredi 4 mai à minuit) pour défendre l'idée selon laquelle aucune opinion politique ne devait être publiquement exprimée ...

--> c'est totalement idiot, puisque cet argument ne vaut que si c'est un candidat ou ses soutiens qui s'expriment publiquement ... donc en l'occurence si le concert avait été organisé par Ségolène Royal ou le PS ... Il ne manquerait plus que personne n'ait le droit de parler politique dans les 36 heures précédant un vote !

Ensuite, et c'est bien là le plus grave sur le fond, ce qui fait que nous sommes bien nombreux à présent à espérer que Monsieur Jacques Gobet ne sera pas reconduit dans ses fonctions par ses électeurs aux prochaines municipales, sauf à faire une sérieuse autocritique ... Monsieur le Maire a avancé un argument profondément choquant, démocratiquement parlant : les artistes n'auraient pas dû s'exprimer ainsi dans la mesure où c'est la collectivité qui prenait en charge leurs émoluments, ET qui plus est c'est une commune dans laquelle Nicolas Sarkozy avait remporté près de 60% des voix au premier tour... ! Donc, en tant que contribuables, il serait anormal qu'ils paient pour entendre une expression négative sur leur champion ...

--> J'ai même honte moi-même d'écrire des choses pareilles sur mon blog !

A cela les Ogres de Barback ont fait une réponse excellente, et se sont empressés de donner à l'affaire toute la publicité qu'elle méritait, et ils ont bien fait ! Après avoir prouvé juridiquement à l'édile que ses arguments en droit étaient nuls et non avenus, ils se sont interrogés sur le sens profond et les conséquences à tirer de sa dernière salve :

"Vous manifestez là une approche de la culture quelque peu effrayante. La prise de position reste, qu'elle aille ou non dans le sens du pouvoir en place, indispensable à toute démocratie. Croyez bien que nous en sommes désolés pour vous, Monsieur, mais c'est ainsi.

Endin, et c'est la cerise sur cet indigeste gâteau, vous brandissez un argument particulièrement novateur. Une ville devrait, pour les dépenses qu'elle prend en charge au niveau culturel tout au moins, tenir compte, en pourcentage, de l'orientation politique de ses habitants. Il vous faudrait donc accueillir, à cachet équivalent, trois spectacles estampillés "de droite" pour deux autres que vous présenteriez "de gauche". L'école républicaine nous avait pourtant appris qu'un édile doit raisonner en terme d'intérêt général plutôt que d'orientation partisane.

Et tant qu'à être cohérent, vous devriez commencer par débaptiser votre Centre culturel Aragon, pour lui substituer celui de Johnny Halliday ou de Doc Gynéco.

Monsieur, nous ne vous saluons pas."

Dernier commentaire : moi non plus, Monsieur le Maire, je ne vous salue pas ... et par contre félicitations et longue vie aux Ogres de Barback !

NB: pour l'article paru dans Le Monde, c'est .

 

Publié dans Rediffusion de l'été

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