La réponse de Fadela Amara : "Ponce-Pilate est-il de gauche ?"

Publié le par Emmanuelle Colombani

A force de renoncements et de pratiques scandaleuses, la gauche a perdu son âme. Tant de ses dirigeants ne savent plus parler au peuple... Ils ont perdu le sens du réel et n'ont plus aucun projet de société à la hauteur des exigences du monde qui change. Ils ont laissé dériver nos quartiers populaires, qui ne sont aujourd'hui que des ghettos de souffrance,, des poches de relégation en proie à toutes les violences. On a surfé sur le désoeuvrement et les discriminations pour asseoir un discours victimaire - en oubliant la valeur du travail -qui a enfermé une partie de la jeunesse dans l'assistanat et le repli communautaire (*). Les notables de la gauche se contentent de stratégies tactiques sur le racisme et l'antisémitisme au lieu de les combattre au nom des principes. Et une certaine gauche a tourné le dos à une valeur fondamentale de la République : la laïcité, cette formidable école de l'intelligence qui protége, émancipe et assure la liberté de conscience. Elle louvoie, finasse et tergiverse pour s'engager clairement dans le nouveau combat féministe, ce féminisme d'urgence et populaire. Le bilan est là : parité, diversité degré zéro ! La gauche ne doit pas nommer ici ou là tel ou tel alibi mais créer l'exercice de la citoyenneté à tous les niveaux de responsabilités. Et cesser de regarder sans réagir une société qui dérive. Oui, la gauche doit répondre aux exigences de la société sans tabous, sur la question du travail comme sur la sécurité ! Oui, la gauche doit réaffirmer ses valeurs, en France et à l'étranger ! Où est donc passé le bel esprit internationaliste ? La gauche est bien silencieuse sur le Darfour, l'intégrisme en Iran, la Tchétchénie. Bien silencieuse aussi quand des milliers de jeunes Africains périssent sur des pirogues de fortune en fuyant la misère depuis l'Afrique. Hélas, Ponce-Pilate est devenu leur référence. Etre de gauche aujourd'hui ce n'est pas s'engager dans une stratégie de conquête de sièges mais bien au contraire affirmer les valeurs qui fondent notre République et s'engager pour des nouvelles conquêtes de liberté et de solidarité. La gauche n'est pas un logiciel de comptabilité et de management mais une philosophie libératrice et émancipatrice. Retrouvons-là !

NDR : à lire en regard avec la chronique sur les "rose pâle" de Pascal Cherki, ici.

Le Nouvel-Observateur - 21-27 juin 2007

Publié dans Actualité politique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article