Bientôt la réforme de la PAC ...

Publié le par Emmanuelle Colombani

Le Salon de l'Agriculture vient d'ouvrir, la campagne électorale bat son plein, et, serait-ce la faute au "pacte écologique", on parle bien peu de l'agriculture dans les programmes. On cherche bien à s'attirer les voix, oui, et la gauche sait bien que traditionnellement elle n'est pas gagnante dans ce corps-là, mais on dirait bien qu'aucun candidat ne souhaite aborder véritablement les sujets qui fâchent ... et qui vont fâcher de plus en plus à mesure que l'on se rapproche de la fatidique future réforme de la PAC...

Bien sûr ce vivier électoral, traditionnellement aussi sourcilleux que sourd au blabla et regardant du porte-monnaie, doit être caressé dans le sens du poil ... va-t-on dire à sa meilleure laitière, au moment de la traite, qu'elle finira en vieille carcasse dans une assiette de pauvre ... oui, une assiette de pauvre car chacun sait qu'une laitière ne fait pas de la bonne viande, c'est pourquoi elle est vendue à bas prix ...

Mais quelle indécence, quand même, de se rengorger sur le développement durable de tous bords, et de ne pas même citer les incongruités manifestes que vit notre monde agricole, incongruités qui vont nécessairement avoir une fin, qui va bouleverser notre paysage, et que nous nous mordrons les doigts de ne pas avoir anticipée ni même préparée ... les agriculteurs sont sourds et aveugles, ne veulent pas entendre que des choses vont changer, ils sont arcboutés sur leurs positions et ne sont pas prêts à écouter des discours de bon sens.

Leur en voudra-t-on totalement ? N'est-ce pas eux que l'Etat a subventionnés pour cesser de nourrir le veau sous la mère et l'engraisser avec des farines sous prétexte que la France avait besoin de lait pour abreuver les enfants de l'après-guerre ? N'est-ce pas eux que l'Etat, ensuite, encouragea à tranformer leur lait liquide en lait en poudre parce que les stoks étaient tellement importants qu'on aurait dû jeter le lait ? N'est-ce pas eux que l'Etat subventionna pour transformer le veau en boeuf, pour donner du biftek à tous les petits français ? Puis que l'Etat paya pour se débarasser des stocks de viande à bas coût, les chambres froides débordant  (600 francs de prime à l'abattage en 1998 pour tout veau de moins de 8 jours envoyé à l'équarissage) ? N'est-ce pas l'Etat qui aida à l'instauration des quotas laitiers, donna des primes à l'abattage des élevages, et des primes pour s'installer comme céréaliers, introduisant une nouvelle tradition de culture tropicale dans nos contrées tout à fait inappropriées pour cela, notamment le maïs, qui a besoin de chaleur et de beaucoup d'eau ? N'est-ce pas l'Etat (et avec lui toujours l'Europe, bien sûr), qui permet qu'aujourd'hui, en 2007, le revenu d'un céralier français soit assuré à 90% par les subventions ?

Mais franchement, pourquoi les agriculteurs n'auraient-ils pas agi ainsi et cru ce que l'Etat leur disait ? Peut-on vraiment leur jeter la pierre ?

Maintenant bien sûr, un autre discours devrait leur être tenu ... mais ils ne sont pas prêts à l'entendre, les malheureux ... J'entendais ce matin une exploitante toulousaine, syndiquée à la FNSEA, qui se battait pieds et poings avec le journaliste qui l'interrogeait sur le problème de l'eau dans sa région : en effet, elle exploite le maïs, et habitant dans une région où il ne pleut pas beaucoup, des aménagements pharaoniques ont dû être faits pour permettre l'irrigation. Ces aménagements étaient suffisants quand la pluviométrie était celle d'il y a 5 à 10 ans, mais ces dernières années, elle a beaucoup diminué, et dès le mois de février il faudrait envisager des restrictions à l'usage de l'eau ... ces restrictions n'ont pas encore été instaurées par la préfecture parce que l'agriculture n'a pas encore commencé son irrigation. Eh bien impossible de lui faire dire que si elle commençait son irrigation, les restrictions viendraient de là ... elle n'a rien voulu savoir ...

Le combat n'est pas gagné ! Pourtant, il va bien falloir se résoudre à remettre les pieds sur terre et à se passer de la mane européenne qui honteusement soutient une production agricole devenue complètement schizophrène depuis 50 ans, alors même que la France n'est pas autosuffisante sur un plan alimentaire basique. Cela changera peut-être les paysages, oui, mais qui se plaindra réellement de la disparition du maïs, alors que beaucoup de pays en voie de développement n'ont eux-même pas beaucoup d'autres choses à produire, laissons-leur cela ... Les agriculteurs doivent retrouver la dignité par leur travail, et non pas travailler dur pour ne vivre que de subsides européens. L'agriculture vivrière et raisonnée a un avenir dans notre pays, nous pourrions réapprendre à manger nos propres produits à l'époque où nous les produisons, au lieu de manger des cerises chiliennes en janvier (n'est-ce pas Michel Onfray, qui lui, ne jure que par l'importation de tout tout le temps !), et ... les vaches -laitières et à viande- seraient bien gardées !

Entendons-nous bien, la PAC est souvent présentée comme la simple réponse à la politique agricole américaine, elle-même fortement subventionnée. On note aussi que face aux américains, il faut défendre l'agriculture africaine, qui ne permet pas non plus la subsistance interne. Ce n'est pas le niveau des aides européennes qui doit nécessairement remis sur le tapis, mais bien leur objet, leur incongruité et leur méfait final.

Publié dans Actualité politique

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