Ségolène, ne fais pas ta Perrette !

Publié le par Emmanuelle Colombani

Ségolène Royal, 100 questions à vous poser" Au début j'ai regardé Ségolène Royal sur TF1 un peu comme on regarde un départ de Grand Prix de Formule 1, avec l'espoir de la faute, du dérapage incontrôlé, du carambolage spectaculaire. J'attendais de la bravitude, du tribunal chinois et du sous-marin nucléaire ... bref, du vernis craquelé et du pétage de plombs.

Oui, j'ai honte de cette puérilité mais avouez que ma bassesse est encouragée par certains journalistes qui depuis le début de cette campagne se complaisent dans l'anecdotique.

Et puis Ségolène est arrivée. Elle portait une tenue plutôt discrète, avec une étonnante jupe, assez laide et trop serrée ... au moins Roger Hanin devait être soulagé, lui qui justifiait son engagement en faveur de Nicolas Sarkozy par l'exaspération que lui procurait les tenues immaculées de la candidate socialiste, c'est vous dire son niveau d'analyse politique ...

Dédaignant le pupitre, Ségolène se positionna face au public, un peu comme si elle s'offrait au Peuple de France.

La première question lui fut posée par un retraité, le genre "Questions pour un champion et mots fléchés de Michel Laclos". Il avait peaufiné sa question, longuement, on lui devinait des après-midi studieuses à griffonner d'une écriture penchée sur un cahier d'écolier dans le silence d'un pavillon de banlieue simplement troublé par l'énumération des consonnes et des voyelles des candidats des Chiffres et des Lettres. Il était content de lui, Papy, il avait lu son texte à son épouse qui lui avait dit "c'est très bien, ça me rappelle Max Favallelli" ... et il en avait conçu une fierté légitime. Il nous infligea donc un pensum interminable, mélangeant la métaphore "rugbystique" dans laquelle les députés allaient aplatir un projet de loi sur les retraites dans l'en-but de Matignon, et l'allégorie médicale qu'il termina en disant "Alors, pour soigner les retraites, quelle est votre ordonnance, Docteur Royal ?"

Et là, Ségolène s'exclama : "En tous cas, Monsieur, vous avez le sens de l'humour !".

Faut-il douter de tout, fallait-il douter de sa sincérité à cet instant ou bien pensait-elle vraiment que Papy était irrésistible et qu'elle n'avait rien entendu d'aussi drôle depuis le spectacle de Jean-Marie Bigard au Stade de France ?

Puis on eut droit ensuite à une rafale de questions pathologiques, du style : "Bonjour Madame, ma soeur est droguée, qu'est-ce que vous comptez faire " ou bien encore "Bonjour Madame, manfille est sourde, quand elle va au Musée, elle n'entend pas le guide (NB: anthentique, hein!), qu'est-ce que vous comptez faire ?"

A chaque fois, Ségolène regardait son interlocuteur avec une infinie compassion et lui disait d'un air pénétré : "Merci, Merci pour votre témoignage". Puis elle expliquait que justement ça faisait partie de son pacte présidentiel, et elle promit des états généraux  de la médecine, des dispensaires de santé pour les pauvres, des hôpitaux en milieu rural, et des prothèses Audika dans chaque musée de France, apportées personnellement par Robert Hossein...

Faut-il douter de tout, fallait-il douter de sa sincèrité à cet instant-là ?

Et puis le handicapé prit la parole, un homme atteint de sclérose en plaques, qui assis sur son fauteuil roulant parla de sa souffrance. Après l'avoir aussi remercié de son témoignage, Ségolène lui répondit avec des mots de candidats, les mêmes sans doute qu'aurait utilisés Le Pen. Mais le handicapé ne se contenta pas de cette réponse convenue et il voulut reprendre la parole, mais soudain s'arrêta au milieu d'une phrase, pris de malaise. Alors, Ségolène Royal, impressionnée, murmura quelque chose comme "Mais non, il ne faut pas" et elle s'avança vers lui comme pour lui porter secours, elle voulut lui prendre la main qui se déroba, alors elle lui toucha le bras .

A cet instant, elle touchait le bras de tous les téléspectateurs et l'on bascula dans l'émotion, la même émotion qu'à Villepinte lorsque dans un geste de Madone elle posa le poing sur son ventre en le vrillant, comme si elle serrait un noeud gordien, en s'exclamant "cette vérité, je l'ai là, chevillée au corps".

Faut-il douter de tout, fallait-il douter de ça ?

Puis un étudiant posa la question qu'on attendait depuis le début : "Comment comptez-vous financer tout ça ?"

Elle lui repondit d'un air enjoué "Bonne question!" et elle enchaîna avec la tarte à la crème des candidats à la Présidence : la croissance ! "Je financerai grâce à la croissance que va générer la hausse du pouvoir d'achat".

A cet instant, j'ai cru entendre ma mère qui a l'habitude de dire "Ne fais pas ta Perrette !", elle parle de la Perrette de la fable, vous savez, qui va à la ville avec son pot au lait et qui  espère avec ce lait s'acheter veaux, vaches, cochons ... et qui finit par casser la cruche .

Pourtant, contrairement à ce qu'on nous promettait, hier soir, la cruche ne s'est pas cassée...

Et à la fin de l'émission, on n'avait pas envie de douter, et on se prenait à rêver avec elle de veaux, de vaches, de cochons, de smic à 1500 euros, d'allocations de rentrée scolaire, de retraites revalorisées, de dispensaires de santé, et on n'avait plus envie d'écouter nos mamans qui nous disent "Ne fais pas ta Perrette !" "

Si vous êtes attentifs, vous aurez remarqué au début de ce texte et à la fin les guillemets : en effet, j'ai emprunté ce texte à Guy Carlier, ce matin, vous pouvez l'entendre dans sa chronique du jour sur France Inter.

Quelques enseignements : Guy Carlier, cet homme de gauche, aurait envie d'y croire ... mais doute fortement du réalisme et de la méthode ...

Il n'est pas le seul.

Plus généralement, nous avons atteint là, dans cette émission, le sommet de la Communication, du paraître total et du convenu... le tout rempli de vide !

Allez, Ségo, ne fais pas ta Perrette !

Et vous, les électeurs, non plus !

NB : sourtout allez écouter la "Revue de presque " de Nicolas Canteloup ce matin, elle est drôlissime ! http://www.europe1.fr/emission/2740/nicolas--canteloup.html#

Publié dans Actualité politique

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C
Qu'il est plaisant de n'être pas le seul à avoir eu ce sentiment lors du visionnage de ce pseudo-débat.<br /> Vous parlez de l'émission de Canteloup sur Europe, il serait intéressant également de fournir le lien (s'il existe...) de l'émission (mardi ou mercredi) de Morandini où un auditeur à apporter son témoignage sur la préparation de l'émission. Il était dans le "panel" des 100 citoyens recrutés pour l'émission. Ce fut riche d'enseignements sur l'attitude frileuse et protectrice de TF1...<br /> Le traitement des candidats doit être le même !<br />  
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E
Merci de ce commentaire intéressant. Je vais de ce pas essayer d'écouter l'émission de Morandini pour écouter tout cela !